Une journée à Hué, l'ancienne capitale impériale du Vietnam
Le jour se lève et le personnel de bord du train vient de frapper à notre porte, la distribution d'eau chaude peut commencer. La nuit s'est parfaitement bien déroulée et malgré un matelas un peu dur nous avons tous réussi à dormir, maintenant place au petit déjeuner.
Le train avançant à 50 km/h on arrive à capter les paysages extérieurs et les scènes de la vie quotidienne. Nous sommes à moins de 100 km de Hué et notre guide nous annonce bientôt le passage du 17èm parallèle matérialisé principalement par le franchissement de la rivière Ben Haï.
Ce 17ème parallèle correspond à ce qui fut appelé la zone démilitarisée ou DMZ. Cette DMZ au Vietnam était une ligne de démarcation entre le Nord et le Sud tracée au niveau de ce 17ème parallèle nord lors de la partition du pays à la suite des Accords de Genève signés le 20 juillet 1954 lorsque les Français durent se retirer du Vietnam et de l’Indochine après la défaite de Dien Bien Phu.
Elle marqua la séparation entre le Vietnam du Nord communiste et le Vietnam du Sud nationaliste attendant des élections qui n’auront jamais lieu pour décider du sort du pays. Sur le terrain, la frontière est symbolisée par la rivière Ben Hai. Lors de la guerre du Vietnam, cette région fut le théâtre de féroces et sanglantes batailles chacune des parties voulant s’arroger ce symbole de la division du pays.
Nous n'en verrons pas plus lors de ce séjour mais c'est un thème que j'aurai bien voulu approfondir.
Pont sur la rivière Ben Haï !
Un brin de toilette, encore un café et bientôt apparaissent les faubourgs de Hué !
Hué, 2 min d'arrêt, tout le monde descend !
Incroyable, nous sommes encore sur le quai et il y a déjà plein de boutiques !
Bienvenue à Hué !
Nous faisons connaissance avec notre nouveau chauffeur de bus et nous embarquons immédiatement pour rejoindre la première visite du jour, pas de temps à perdre et l'hôtel se sera pour cet après-midi. Avec un patrimoine mondial inscrit par l'UNESCO, Hué est une ville exceptionnelle sur le plan culturel, historique et architectural. Elle est entourée de montagnes, de lagunes et de plages, avec la poétique rivière des Parfums qui la traverse.
L’ancienne capitale des Nguyễn, les seigneurs du Sud au XVIème siècle, devient la capitale du Viêt Nam réuni en 1802, avec sa Cité impériale, bâtie tout au long du XIXème siècle, la résidence impériale et le siège de la cour. Elle acquiert pendant cette période un grand prestige et un raffinement qui se traduisent notamment dans l’architecture, la musique, la littérature et la gastronomie. Elle est alors le véritable centre politique, culturel et religieux du pays.
Or la Cité Pourpre interdite et la ville toute entière sont réduites à néant par les Français en 1885. Hué devient alors la capitale du Protectorat d'Annam, l’une des cinq subdivisions du territoire sous l’Indochine française. La ville conserve son statut de ville impériale mais sous tutelle des Français, jusqu’à l'abdication de l'empereur Bảo Đại en 1945.
La visite commence par les monuments les plus emblématiques rassemblés à l'intérieur de la citadelle construite selon le modèle Vauban, démarrée en 1802 et terminée en 1832. Plus de 30 000 ouvriers et soldats travaillèrent à la construction qui nécessita le remblaiement de la rivière aux Parfums et l'excavation de nouveaux fossés et canaux.
La citadelle est construite au bord de la rivière des Parfums. Elle est entourée de larges douves qui délimitent sensiblement un carré sur un périmètre de plus de 10 km ainsi que de murs de 6 m de haut. La largeur des murs atteint par endroits 20 m. La citadelle est accessible par dix portes fortifiées, chacune munie d'un pont.
Entrons par la porte du midi qui est la porte principale pour entrer dans la ville impériale. Elle est située devant le palais de l'Harmonie Suprême et fait face à la tour du Drapeau.
La porte principale, au milieu, « Ngo Môn », pavée de pierre « Thanh » teintées en jaune, est consacrée au passage du roi. De chaque côté, on trouve la porte de Gauche et la porte de Droite, réservées aux mandarins civils et militaires. Les deux ailes du U comprennent chacune une porte supplémentaire ; ce sont les portes réservées aux soldats.
À l’étage supérieur du pavillon, des salles aux cloisons de bois étaient réservées à la reine et aux concubines du roi. Elles avaient la permission de regarder à l’extérieur à travers des fenêtres rondes ou en forme d’éventails ou de gongs. Mais, ces fenêtres étaient dissimulées derrière des stores interdisant aux personnes du dehors de les apercevoir.
Toujours beaucoup de détails !
Allons à l’étage inférieur. Il était laissé vide, à l’exception d’une salle au milieu, qui était cloisonnée par des panneaux de bois et des portes vitrées. C’était là que le roi prenait place lors des cérémonies.
Derrière lui, se trouvaient un gros tambour et de grosses cloches qui apportaient une touche solennelle aux cérémonies. Le tambour était utilisé quotidiennement aux heures d’ouverture et de fermeture de la citadelle. Quand le tambour sonnait à la porte Ngo Môn, on faisait également tonner les canons de la tour du Drapeau. À ce signal, les soldats de garde manœuvraient les portes d’accès de la Citadelle.
Poursuivons la visite. Nous franchissons un pont qui nous permet de rejoindre un autre bâtiment emblématique, le palais de l'Harmonie suprême. Comme le palais du même nom à la Cité Interdite de Pékin, il se trouve dans l'axe de la grande porte (la Porte du Midi) qui donne accès à la Cité impériale. Derrière ce palais majestueux, se trouve la porte de la Cité Pourpre interdite, où seuls l'empereur et sa famille ainsi que leurs servantes et eunuques qui y demeuraient, pouvaient entrer.
Toit en tuiles vernissées décoré de têtes de dragon !
La pluie s'invite encore lorsque nous pénétrons dans un petit pavillon qui présente quelques photos de la dynastie Nguyen avec ses treize empereurs de 1802 à 1945. Ceux sont des documents rares car les images des empereurs étaient interdites et on les doit en fait aux prises de vues effectuées par les autorités étrangères invitées.
Ci dessous, Bao Daï, le dernier empereur qui reçoit une délégation française. Pour la petite histoire il est mort en exil le 31 juillet 1997 à l'hôpital militaire du Val de Grâce à Paris.
Rendons nous maintenant dans le théâtre royal en pleine cité interdite. Duyêt Thi Duong, c'est son nom, fut bâti en 1826 du temps de Minh Mang, 2ème empereur. Ce grand théâtre de forme rectangulaire, présente des toitures aux bords recourbés comme la plupart des pagodes de Huế.
La scène du théâtre, de forme carrée, est installée au milieu du plancher. Le mur formant l’arrière de la scène est percé de deux portes. Les acteurs entraient par le côté droit et sortaient par le côté gauche. Derrière le mur est dissimulée une vaste salle avec des armoires et des commodes contenant les textes des œuvres théâtrales, les costumes, les bottes recourbées, les chapeaux et autres accessoires de théâtre.
Les spectacles à Duyêt Thi Duong se composaient de la musique, de la danse et des pièces royales (le chant « hat bôi », théâtre classique avec chants et gestes), et avaient lieu généralement lors des jours fériés ou pour accueillir des envoyés diplomatiques étrangers. Il est considéré comme le plus ancien théâtre du Vietnam et aujourd'hui encore il présente des spectacles aux touristes de passage.
Masque traditionnel !
Derrière moi le palais Kien Trung situé au nord de la Cité Pourpre interdite qui servait de résidence privée aux deux derniers empereurs de la dynastie Nguyen. Il fut détruit par le Viêt Minh en 1947. Il est en cours de restauration depuis 2019.
L'un des nombreux portails !
Toujours construit sous le règne du roi Minh Mang en deux ans, de 1822 à 1823 voici le magnifique temple The To Mieu dédié entièrement au culte des empereurs de la dynastie Nguyen. Il est superbement entretenu à l'extérieur et les décors intérieurs sont exceptionnels.
De nos jours 10 empereurs ont leur place matérialisée dans ce temple par la présence d'un autel laqué de rouge et doré.
Vue du temple The To Mieu depuis la cour intérieur !
Vue opposée. Non ce n'est pas une cabine téléphonique anglaise !
Nous pourrions rester des heures dans cet ensemble architectural exceptionnel et la promenade dans les nombreuses allées est très agréable. Nous rejoignons l'une des treize portes d'entrée de la citadelle et en quelques minutes de marche nous retrouvons notre bus.
Sortie par la porte de HienNhon à l’Est, superbement décorée et pleine de détails !
Changement d'environnement et de thématique maintenant. Après l'Histoire et l'architecture découvrons deux savoir faire importants au Viet Nam, la fabrication des bâtonnets d'encens et surtout la réalisation des chapeaux coniques, l'emblème par excellence du pays du Dragon.
Eventail de couleurs en bâtonnets d'encens !
Encore une fois c'est une entreprise familiale qui est aux manettes et pour ne pas changer, toute l'activité est manuelle, un travail de patience et de dextérité pour les bâtonnets comme pour les chapeaux. Le chapeau conique, ou "nón lá" en langue vietnamienne, est l'accessoire indispensable des paysans vietnamiens pour se protéger du soleil et de la pluie pendant les travaux dans les rizières, c'est un élément vestimentaire indissociable de la culture vietnamienne.
Le chapeau conique vietnamien est fabriqué exclusivement à partir de matières végétales. D’aspect simple de prime abord, la fabrication du chapeau conique ne demande pas moins de 10 étapes et près de 4 heures de travail ! Chapeau réalisé entièrement à la main, le "nón lá" est habituellement constitué de feuilles de latanier qu'il faut choisir avec précaution. Celles-ci doivent être assez jeunes. Il faut faire sécher les feuilles de latanier puis les repasser. Des tiges de bambou sont coupées afin de réaliser l’armature du chapeau conique qui est conçue sur une structure conique modèle en bois plein.
Les feuilles de latanier sont ensuite cousues avec des fils de bambou sur l’armature. Afin que le "nón lá" puisse résister aux termites et à la moisissure, il faut enfumer le chapeau. Enfin un ruban relie les deux extrémités du chapeau et viendra se glisser sous le menton pour bien fixer le chapeau à la tête de la personne qui le porte.
Du grand art !
Il est temps pour nous de faire la pause de midi chez l'habitant car depuis notre arrivée en gare nous n'avons pas chômé et le petit déjeuner est dans les talons depuis longtemps. Au menu une spécialité de la famille, le « banh khoai » (une crêpe à la farine de riz, crevette, viande, œufs et légume) et la salade de figue. Encore délicieux !
Pour cette après-midi nous passerons par l'hôtel après le repas pour prendre nos chambres puis nous repartirons pour visiter un autre symbole majeur de Hué, la Pagode de la Dame Céleste, faire un tour en bateau sur la rivière des Parfums et terminer en beauté cette journée en participant à un diner costumé façon impériale avec chants et musiques traditionnels.
C'est reparti ! La pagode de Thiên Mu ou pagode de la Dame Céleste, la plus célèbre et ancienne de Hué, est bien au-delà d’un haut lieu religieux. Ce monument perdu dans une belle et paisible végétation invite à méditer dans un havre de paix. Elle se signale depuis la Rivière des Parfums par une haute tour octogonale de 7 étages évoquant les 7 réincarnations de Bouddha, la plus haute pagode du Viet Nam.
La tour octogonale de la Pagode de la Dame Céleste !
La légende.
Egalement appelée Linh Mu, la pagode fut fondée en 1601 sur les ruines d'un temple dédié à Shiva par le seigneur Nguyen Hoang de la dynastie Lê qui entendit des paysans locaux dirent avoir vu apparaître sur la colline une vieille femme portant une robe rouge et un pantalon vert. Elle déclara qu’un seigneur construirait une pagode à cet emplacement propice à la configuration bouddhiste et prédit que celui qui la bâtirait sur cette colline fonderait une grande dynastie. Au dire des habitants de Hué, la vieille femme réapparaît parfois les nuits de pleine lune.
Après avoir contourné la pagode on entre sur 2 hectares de terrain comportant de nombreux monuments. Un petit pavillon contient la statue en marbre d'une tortue, symbole de longévité, qui porte sur son dos une stèle contant l'histoire de la pagode.
La tortue, symbole de longévité !
On traverse ensuite un portique à 3 entrées, gardée par 6 statues très originales, les grands guerriers gardiens. Puis, par une porte et une longue passerelle traversant une agréable cour on accède au sanctuaire principal, également connu sous le nom de Dai Hung. Le sanctuaire abrite trois statues du Bouddha, symbolisant le passé, le présent et le futur, ainsi que plusieurs autres reliques importantes.
Ici un gardien qui protège l'accès !
Le sanctuaire !
Le Bouddhisme n'a pas toujours été le bienvenu. A l’arrière de la salle du sanctuaire, on peut voir la vieille Austin rouillée avec laquelle le moine bouddhiste, Thich Quang Duc, se rendit à Saigon où il s’immola pour protester contre le régime pro-catholique du président Diem. Une image qui fit le tour du monde en cette année 1963. Derrière cette pagode on arrive dans un magnifique jardin fleuri ponctué de bassins où flottent des lotus et nénuphars. Un peu plus loin se trouvent les habitations des moines et les écoles bouddhiques.
Un moine entretient le jardin !
Pendant que d'autres jouent à la pétanque !
Nous quittons ce lieu avec l'image des moines jouant à la pétanque, surprenant. Nous redescendons les escaliers et en traversant la route nous accédons directement à la berge de la Rivière des Parfums, autre symbole de Hué, et notre embarcation à tête de dragon est déjà en approche. Pour les gens de Hué, ils ne jurent que par la romantique et poétique rivière des Parfums. Cette rivière n’est pas seulement un parfait exemple de beauté de la nature, mais aussi une rivière mystique et légendaire qui recèle de nombreuses empreintes de la vie de la ville impériale du Vietnam au cours de la dynastie des Nguyên.
Le nom de la rivière Huong (Parfum) est lié, selon un vieux document au fait que « sur les deux rives, il y a une grande variété de plantes médicinales qui rendent l’eau de la rivière parfumée. » Notre guide a évoqué une légende avec une princesse qui un jour, traversa la rivière pour se marier avec le roi du Cambodge. Elle pensait à son amant qu'elle pleurait beaucoup. Quand elle lava son visage dans l'eau de la rivière, elle découvrit son parfum. C'est pourquoi la princesse lui donna ce nom. A vous de choisir !
La balade est agréable même s'il y a peu de choses à voir sur les rives et on profite de ce moment de tranquillité d'autant que la famille présente à bord nous offre une boisson d'accueil. Mais nous découvrons bien vite le but principal de cette sortie, il y a des objets artisanaux disposés ça et là, des piles de tee shirts posées sur une table centrale et notre hôte commence une démonstration de vêtements locaux. En peu de temps quelques membres du groupe regardent de plus près et bientôt les dongs sortent des porte-monnaie. Le tout avec un grand sourire !
La nuit tombée rapidement permet également de mieux profiter des éclairages urbains et devant nous, traversant majestueusement la rivière romantique se dresse le pont Truong Tiên. Il est en effet considéré comme une allégorie reliant le passé, le présent et le futur.
Construit de 1897 à 1899 par l’agence de construction française Eiffel sur une conception de Gustave Eiffel en personne, l’ouvrage, inspiré de l’architecture gothique, fait 402,60 m de long pour 5,40 m de large, et comprend 12 travées.
Son nom a changé à travers les vicissitudes de l’histoire. Tout d’abord connu sous le nom du pont Thành Thai (nom du roi contemporain de la dynastie des Nguyên), puis sous le nom du pont Clémenceau (Georges Clémenceau a été président du Conseil des ministres de 1906 à 1909, puis de 1917 à 1920), ensuite sous le pont Nguyên Hoàng (nom du seigneur Nguyên Hoàng 1525-1613), il prendra enfin le nom de pont Truong Tiên.
Le bateau dragon nous ramène en centre-ville et s'est à pied que nous rejoignons notre restaurant. Sur le parcours nous découvrons une autre particularité locale, la "remise de poissons à l'eau". Nous sommes à 15 jours du Nouvel An chinois et c'est une période de vœux. Pour favoriser les bonnes étoiles, une coutume consiste donc à remettre dans la rivière des petits poissons fraîchement pêchés.
Plouf !
Et pour finir cette belle journée rien de mieux que de participer à un diner spectacle où nous serons les acteurs principaux. Dès l'arrivée nous sommes accueillis par des personnels hauts en couleur et nous voilà rapidement transformés en mandarin ou concubine. Nous allons avoir le droit de prendre notre repas avec l'empereur et sa dame.
Concubine et mandarin !
Le couple impérial !
Pendant plus d’un siècle, quand régnèrent les 13 empereurs de la dynastie Nguyen entre 1802 et 1945, les mets concoctés a Hué ont connu une apogée et ont été poussés au rang de créations artistiques.
Dès 1802 sous le règne de Gia Long, le premier roi Nguyen, on a mis en place un « Service de la bouche impériale ». En proche coopération avec les médecins de la cour, il était chargé de concocter des mets pour le monarque spécialement. La cinquantaine de cuisiniers qui le composaient étaient tous rigoureusement sélectionnés ; chacun se concentrait sur la préparation d’un seul des 30 à 50 plats servis sur la table royale. L’empereur ne consommait qu’une infime quantité et le reste était attribué aux mandarins.
Rassurez vous, nous n'avons pas eu que les restes !
On attend les ordres pour passer à table !
Et nous mangeons en musiques et chants traditionnels !
Une bien belle soirée !
On finit en musique !
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